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Comment répondre au besoin de sens au travail ?

Temps de lecture : 5'

Pour quoi je fais ce que je fais ? Voilà la question qui occupe les travailleurs du monde entier. 10 ans peut-être que ces pourquoi prennent du galon et que les collaborateurs semblent avoir perdu le sens de ce qu’il font. Mais le sens, comment le donner ? Est-ce la responsabilité des organisations ? Comment adresser de manière concrète une notion aussi abstraite ?

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Le sujet semble plus que jamais d’actualité : la crise du covid-19 a accéléré les questionnements existentiels sur le travail, les notions de sens, d’épanouissement et de réussite évoluent et les implications en entreprise s’accentuent. 

Pour revisiter la question de la philosophie à l’action, nous avons croisé les regards de la philosophe d’entreprise et fondatrice de l’agence Thae Flora Bernard, de l’auteur du livre Dream team et conférencier Ludovic Girodon et de la fondatrice de somanyWays experte des nouveaux rapports au travail Anaïs Georgelin (à l’initiative d’une grande enquête sur le sens au travail). Décryptage.

Le sens au travail, ça veut dire quoi concrètement ? 

Tout le monde en parle sans mettre la même chose derrière. Le sens est pluriel. Il peut désigner la direction, la signification, la sensation. Dans le langage courant, le sens appliqué au travail se rapproche de l’idée de levier de motivation, de moteur (ce qui nous donne envie de nous lever le matin). Mais le sens peut-il vraiment être atteint ? Peut-on donner un sens commun ?

Pour Anaïs Georgelin, la fondatrice de somanyWays, le sens au travail est extrêmement subjectif et évolutif. “Ce qui donne du sens à quelqu’un ne donnera sûrement pas du sens à quelqu’un d’autre. Et ce sens très personnel s’avère en plus très changeant. Nos envies et notre vision évoluent : ce qui compte dans sa vie professionnelle à un instant T ne sera peut-être plus aussi vrai 3 mois ou 10 ans après.”

Pour la philosophe Flora Bernard, “le sens n’est jamais atteint une bonne fois pour toutes. Cette quête est inhérente à notre condition d’être humain. C’est la tension vers quelque chose. Le sens réside précisément dans le questionnement, dans cet écart entre ce qui est et ce qui pourrait être”. 

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Une question d’actualité ?

Pour la philosophe, pas tout à fait. La quête de sens est vieille comme le monde. De tous temps, les hommes ont cherché à comprendre ce qu’ils avaient à faire dans la vie et sur cette terre. 

Par contre, ce qui est relativement nouveau, c’est peut-être l’endroit où l’on recherche le sens. “Aujourd’hui, la quête de sens est davantage intérieure qu’extérieure”. On recherche de la cohérence entre ce que nous faisons au quotidien et ce à quoi nous aspirons ou croyons. Autrement dit une forme d’alignement.  L’auteur Ludovic Girodon corrobore : “Ce qui donne du sens au travail est désormais plus interne qu’externe. Historiquement, nous avions des carrières beaucoup plus drivées par la réussite sociale : une belle voiture, un joli titre, un gros salaire, une équipe à manager. Aujourd’hui, je me rends compte sur le terrain que ce schéma unique très présent dans les années 80 est complètement remis en question. Et la pandémie a accéléré ce questionnement. Pendant les premiers confinements, le sujet est devenu médiatico politique. On a parlé de première ligne, de deuxième ligne, de métiers essentiels, non essentiels et ces débats ont remué beaucoup de choses. Dans ce contexte, on s’est donc davantage posé individuellement et collectivement la question “Quelle est l’utilité de ce que je fais ?”. 

Le changement majeur de ces dernières années ? Nous avons investi le travail comme source d’accomplissement. Nous en avons fait quelque chose de très personnel, un moyen de se réaliser en tant qu’être humain. “Ce qui met évidemment une pression importante sur cette partie de nos vies” complète Flora Bernard. 

50 nuances de sens au travail

Mais concrètement, qu’est ce qui peut (re)donner du sens au travail ? Pour répondre à cette question, Flora Bernard convoque la pensée du neurologue et psychiatre Viktor Frankl qui a identifié 3 principales sources de sens :

  • Être à l'origine de la création (être à l’initiative de, pouvoir décider en autonomie) 
  • Être en relation avec un sujet (le lien)
  • Être acteur dans une situation donnée (être capable de modifier son regard sur une situation même si nous n’avons pas la main sur ladite situation)

Anaïs Georgelin aborde quant à elle la question du sens au travail avec une grille de lecture très pragmatique. Pour aider chacun.e à mettre des mots sur ce qui a du sens et les managers à cartographier les leviers de motivation de leurs équipes, elle a conçu un modèle : le Workoscope®. Après 5 ans de recherche et développement, elle a identifié 5 modes de rapport au travail récurrents :

Le mode transformation : le travail comme moyen d’inventer demain

Ce profil trouve du sens au travail s’il peut laisser sa trace, innover, avoir de l’impact à l’échelle de son équipe ou de son organisation

Le mode impact : le travail comme moyen d’avoir une utilité sociale

Ce qui donne du sens au travail à ce profil, c’est quand il sent qu’il contribue à la Société, à une cause sociale ou environnementale.

Le mode ascension : le travail comme moyen d’acquérir une position sociale

Ce profil trouve du sens dans le défi et aime avoir des responsabilités. Ce qui compte le plus pour lui c’est d’être challengé et d’évoluer.

Le mode introspection : le travail comme moyen d’épanouissement personnel

Il trouve du sens au travail dans l’apprentissage, la créativité, la diversité de ses missions. Ce qui compte pour lui c’est de de pouvoir exprimer sa singularité à travers son travail.

Le mode équilibre : le travail comme moyen de gagner sa vie

Ce mode trouve du sens au travail si celui-ci lui permet de vivre sa vie et d’avoir une forme de constance, de stabilité, de sécurité.

Bien sûr il ne s’agit pas de mettre les gens dans des cases, il existe probablement autant de définitions du sens que d’individus.  Mais il peut être utile de croiser les grilles de lecture pour trouver des points de jonction et des rapports au travail récurrents.

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Cimenter le sens collectif : un nouveau défi pour les entreprises

Il est important d’ajouter à cette vision individuelle et partielle du sens au travail une autre dimension : le sens collectif. Sans cela, difficile de faire vivre une entreprise (par définition un collectif de travail). Pour Ludovic Girodon, formateur en management, le manque de sens au travail a un impact fort sur la fidélisation des collaborateurs. Il est donc urgent pour les entreprises de s’emparer du sujet et de s’aligner à tous les niveaux de l’organisation pour aller dans la même direction. 

Anaïs Georgelin va encore plus loin. Pour elle, “chacun a une partition à jouer et une part de responsabilité pour porter le sujet” :

  • La direction générale doit donner l’impulsion, clarifier la raison d’être, la mission de l’organisation
  • Les managers ont un rôle pivot. Ils font la jonction entre sens collectif et sens individuel. Ils sont responsables d’aider leurs équipes à s’inscrire dans le projet commun (en créant des espaces de conversation, en rendant plus tangible au niveau de l’équipe et de chacun la mission)
  • Les collaborateurs doivent eux aussi jouer leur rôle : prendre le temps d’identifier leurs besoins prioritaires et les verbaliser. Personne ne lit dans les pensées, il est donc essentiel de formaliser ce qui a du sens pour soi au travail.

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Le sens ne se décrète pas, il se construit

Le besoin de sens, nous l’avons vu, est un besoin universel. Au travail, cette question gagne du terrain. Nous sommes de plus en plus nombreux à sonder nos besoins, écouter nos aspirations et à faire du sens une condition de notre évolution. Pourtant, ce sujet est encore trop peu d’actualité dans nos organisations. Car il est abstrait et peut sembler difficile à appréhender. 

Flora Bernard nuance donc l’objectif : “On peut créer les conditions pour que le sens advienne mais pas le faire advenir avec certitude. Le sens émerge, ce n’est pas juste une quête.” Elle évoque le concept de résonance de Harmut Rosa : certaines choses sont indisponibles, elles adviennent quand elles adviennent (la neige, l’amour, le sens). 

Le sens ne se donne donc pas. Mais il n’en demeure pas moins nécessaire de remettre la responsabilité de chacun au bon endroit pour le co-construire ou le trouver. Individuellement et collectivement.

Puisque le sens ne s’impose pas mais n’advient pas non plus par hasard, il est important d’offrir à chacun les clés pour mettre des mots sur cette quête abstraite mais on ne peut plus essentielle. Le travail se transforme à la vitesse de la lumière et les entreprises qui performeront demain seront celles qui auront choisi de donner du sens à chacun pour ne pas perdre le sens commun.

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